Un jour, tandis que Şafak et moi bavardions de tout et de rien, je lance en plaisantant: « Tiens, tu n’aurais pas un pote sympa à présenter à Mano? » Mon nouvel amoureux ouvre alors son profil Facebook et parcourt la liste de ses ‘amis’, tel un catalogue. Il s’arrête sur Sinan, 27 ans, fils de bijoutier, grand, cheveux poivre et sel et … beau comme un Dieu. Je dis « je prends! »
Rendez-vous est pris pour le lendemain. On ira manger tous ensemble dans un resto de poisson sur l’île de Heybeli. Le jour J, le top modèle sonne à la porte. Quand je lui ouvre, il me tend un cadeau. Etonnée mais ravie de ce geste attentionné, je défais l’emballage et là, je crois à une blague: Sinan m’a offert un … éplucheur de pommes de terre! Il m’explique avec grand enthousiasme qu’il est hyper efficace et qu’il a acheté le même à sa soeur et à sa maman. Interloquée, je veux quand même le ‘remercier’ mais je n’en ai pas le temps, il déjà filé dans le salon à la rencontre de Mano.
Şafak avait fait un résumé efficace du CV de mon amie: « Mano, 29 ans, créatrice de bijoux contemporains, beauté renversante. »
Ma coloc’, qui était déjà moyennement ravie de ce rendez-vous arrangé, voit alors Sinan s’avancer vers elle, la main tendue: « Hi, I’m Sinan, my father ownes a jewellery shop, we have gold.* » Moment de flottement… On affiche toutes les deux un air incrédule et avec un éplucheur de pommes de terre dans les mains, ça fait un drôle de tableau. On invite les deux hommes à s’asseoir au salon et on file à la cuisine pour ne pas exploser de rire devant eux.
Lorsque calmées, on revient avec des bouteilles de bière, Sinan bombarde Mano de questions: « Ton papa est Turc alors? Tu as étudié quoi? Tu veux que je te fasse visiter Istanbul? ». Je la sauve de l’interrogatoire en lui demandant ce qu’il fait dans la vie. Il nous raconte qu’il bosse dans la bijouterie de son père car celui-ci lui a demandé de travailler dans l’entreprise familiale mais qu’ayant fait des études d’ingénieur, il aspire à autre chose. Il préfèrerait se spécialiser à l’étranger. Son rêve, c’est les Etats-Unis.
J’écouterais bien volontiers une énième histoire d’un jeune Turc qui renonce malheureusement à ses ambitions pour faire plaisir à ses parents mais mon ventre crie famine. Je propose donc qu’on continue la conversation tout en rejoignant le resto. Sur le chemin, Şafak m’adresse un clin d’oeil, comme pour le dire: « ça a l’air de bien se passer. » De son côté, Mano m’en fait un aussi, signifiant: « cette soirée restera dans nos annales, je le sens. »
Elle ne croit pas si bien dire. A table, le vaudeville continue. Emu par la vue de deux tourtereaux, celui qui ressemble décidément fort à George Clooney déclare que dans une relation, « la femme appartient à l’homme ». Mano surenchérit: « Et l’homme à la femme bien sûr. » Sentant qu’il a fait une bourde, il tente de se rattraper. Remarquant une brûlure toute fraîche sur le poignet de mon amie, il saisit sa main avec un air concerné et s’exclame: « Tu t’es brûlée? Tu t’es fait ça en repassant? » Réplique cinglante de ma coloc’: « Non, en travaillant sur un bijou dans l’atelier de soudure. » Fonçant droit dans le mur, notre invité s’obstine: « Le repassage, c’est un travail de femme. »
La conversation dérape… J’essaye de trouver un truc pour sauver la mise mais ma coloc’ fait face avec le sourire: « Tu ne repasses pas tes chemises toi-même alors? » Même pas peur, George répond: « Bien sûr que non, c’est le boulot de ma maman! » Mano se ressert un verre de rakı.
Consciente que Şafak et moi n’aurions jamais dû jouer les agents matrimoniaux, je suggère qu’on demande l’addition. Mon amie et moi tenons à payer notre part mais les deux hommes, étonnés, insistent pour nous inviter, grands princes. J’apprendrai plus tard qu’il est presque mission impossible pour une femme de payer la note dans un restaurant en Turquie lorsqu’elle est accompagnée d’un homme.
De retour à la maison, comme il se fait tard, je pense servir un dernier verre à notre ami avant qu’il ne prenne le chemin du retour. Mais à peine a-t-il franchi la porte qu’il…s’enferme dans une chambre et en ressort une minute plus tard en survêtement, dit ‘eşofman‘, signe qu’il se sent à l’aise et surtout chez lui. Mano n’y croit pas, je jette un regard interrogateur à Şafak qui répond d’un air gêné: « Ben oui, il dort ici, y a plus de bateaux à cette heure-ci de toute façon. » On est choquées, on trouve ça impoli, on ne fait pas ça sans demander l’autorisation, si? Şafak objecte que c’est une tradition turque de rester loger chez ses invités, surtout quand ils habitent loin. Mano et moi maudissons cette différence culturelle.
Plusieurs heures de bavardage plus tard, je décide d’aller me coucher. Şafak me suit mais Sinan préfère rester papoter encore un peu avec Mano. A deux heures du matin, celle-ci a les paupières lourdes. Comme elle dort dans le salon, elle le fait savoir en exprimant un très clair: « Je suis fatiguée, je dors ici sur le canapé et je pense que ta chambre à toi est en bas. » Sinan lui souhaite alors une bonne nuit et quitte la pièce. Mais quinze minutes plus tard, lorsque Mano revient de sa douche, enroulée dans sa serviette de bain, elle sursaute: Sinan est de retour dans le salon et fume une cigarette en regardant par la fenêtre. Il lève la tête vers elle, inhale une bouffée et dit: « J’arrivais pas à dormir… » puis se retournant pour contempler le paysage, il expire la fumée et ajoute: « la nuit est magnifique, n’est-ce pas? »
George Clooney, what else?
* « Salut, je m’appelle Sinan, mon père possède une bijouterie, nous avons de l’or. »
Cette aventure s’est déroulée le 25 août 2009 mais a été écrite le 7 février 2012.
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Je crois que la technique de drague est imparable… !
Je suis goldenifié ^^
Piotr Articles récents..Les signes et gestes à éviter en voyage dans le monde
On aurait bien aimé connaître la suite ! 🙂
A la lecture, on comprend qu’il était tellement lourd que Mano l’a renvoyée dans sa chambre vite fait, n’est-ce pas? Ou bien on pourrait penser qu’il a réussi à la faire changer d’avis? Parce que non non! 🙂
Voilà un bel exemple de ce qui arrive quand on privilégie la forme au fond…
Tu l’as dit Max! 🙂
Melody? Tout va bien?
pascal Articles récents..Des choses et des gens
Vite, vite, vite la suite =D
Encore un peu de patience, elle arriiive! 😀
Tradition turque, tradition turque, vite dit! Peut-être à Isanbul mais même, un homme ne reste pas chez une femme sans autorisation, encore moins si elle est célibataire! Je crois qu’il abusait plutôt de la situation « çakma » CLOONEY. 🙂
Tu m’étonnes! Evidemment. Quel souvenir ce Georges. 🙂
Hahahahaha EPIC FAIL le Georges 🙂 sinon c’est vrmt de l’impolitesse, le fait s’inviter chez les gens. Ca ne se fait pas (c’est la première fois que je l’entends), surtout qu’il y a des dolmus, des taxis etc lorsqu’il n’y a plus de bateau…
Bah ils ont profité du fait qu’on était ‘yabanci’ en disant que c’était courant de s’inviter chez les gens.
Par contre, si y a plus de bateau, c’est pas des taxis et des dolmus qui vont aider à traverser la mer 😉
On ne démonte pas les ponts pendant la nuit, hein…