Je suis en train de grignoter des noisettes dans un avion en direction de Batumi en Georgie. A ma gauche, mon amoureux Şafak; à ma droite Raphaël, Canan et les autres musiciens de leur groupe de musique anatolienne. On se rend tous ensemble à un festival écologique dans la région de la mer noire! Ca s’est décidé sur un coup de tête. Şafak m’a demandé timidement si ce voyage en Turquie me tentait, tout en précisant que ce serait à la bonne franquette: confort minimum et toilettes à la turque! Moi qui ne suis pourtant pas camping, j’ai dit oui. Je suis quand même en train de me demander si j’ai bien fait d’accepter… Et pour cause: il faut un passeport pour entrer en Géorgie. Je n’en possède pas. Le groupe m’a juré que ça ne poserait pas de problème car à peine arrivés sur le sol géorgien, on embarque dans un car qui nous amène à Hopa, une ville turque située à quelques kilomètres de la frontière. J’ai du mal à saisir la logique. Pour moi, la loi c’est la loi. Si je me mets à expliquer les détails au douanier, il va me rire au nez non? Bon, comme les autres m’ont dit vingt fois ‘merak etme‘ = ne t’en fais pas, je me tais mais je prie intérieurement pour ne pas me faire refouler à l’arrivée.
Attention j’ai décidé de vivre dangereusement mais je suis préparée un minimum: j’ai appris à faire pipi dans une toilette turque! J’avais sacrément besoin d’un cours de rattrapage en la matière parce que je faisais tout de travers. Au lieu de regarder vers la porte, je faisais face au mur. Il paraît que c’est pour ça que je n’arrivais jamais à viser dans la fosse! Quelques jours plus tôt, désespérés par mon récit, mes amis aventuriers Hakan et Sophie ont décrété qu’il était temps de combler mes lacunes. Je ne les remercierai jamais assez. Grâce à eux, j’ai enfin compris la position: pour tenir l’équilibre, il faut s’accroupir jusqu’au bout, sans résister avec les muscles des cuisses. Ca m’a soulagée: désormais bien stable, je n’ai plus besoin de m’appuyer sur un bout de mur (sale). Ils m’ont envoyée m’entraîner dans les toilettes d’un vendeur de kebabs. J’ai pensé à eux, ça a marché. Je me sens confiante là.
Et on peut dire que je peux l’être parce qu’on vient d’arriver à Batumi et tout se passe comme sur des roulettes. Les douaniers ne m’ont pas traitée comme une réfugiée et m’ont gentiment dirigée vers le car qui nous amène au festival. Pendant le trajet, je m’extasie sur la végétation géorgienne. Le paysage n’est qu’arbres, buissons, hautes plantes toutes vertes… qui cachent de temps en temps une église orthodoxe. Fascinant! Lorsqu’une heure plus tard, nous débarquons à Hopa, devant notre auberge de jeunesse, c’est autre chose qui me fascine. Raphaël et Canan sont en train de négocier avec le type de la réception. L’employé refuse de les laisser dormir dans la même chambre sans avoir vu la preuve qu’ils soient bel et bien mariés. Şafak m’avait prévenu que les Karadenizli = Turcs de la mer noire, étaient un peu rétrogrades. « Pas de démonstrations de tendresse, on ne se tient pas la main et surtout tu ne m’embrasses pas hein! » m’avait-il dit. Je ne m’attendais cependant pas à devoir dormir dans une chambre séparée.
Heureusement, on ne va pas passer nos journées à l’hôtel! Le programme a l’air sportif: chaque jour, le festival se déplacera dans un nouveau village dans les montagnes des environs. L’idée est de découvrir les richesses naturelles de chaque localité (des fruits de toutes sortes, des plantations de thé noir…) et de sensibiliser les habitants aux bonnes pratiques écologiques (conduite douce, tri des déchets, respect de la flore…). Les organisateurs ont précisé qu’il était primordial d’apporter de bonnes chaussures de marche et des vêtements qui pouvaient être salis. J’en déduis qu’on va marcher.
J’ai tort. Tous les jours, on se rend dans un village différent, certes, mais on monte et on descend les côtes en minibus à l’arrière duquel est écrit « Allah korusun = que Dieu vous protège, sans doute en réaction à la conduite sportive du chauffeur. Pire: tous les jours, on mange sur place dans des assiettes en PLASTIQUE JETABLES, on boit du thé dans des gobelets JETABLES et on reste 4 heures sur place à ne rien faire. Je ne vois pas trop le rapport avec l’écologie. Je fais part de mon incompréhension à un cultivateur de thé assis à mes côtés. Pour toute réponse, il me pique le bras exprès avec un bouquet d’orties. Il paraît que c’est bon pour la santé. De toute évidence, lui non plus n’a rien compris.
Le dernier jour, alléluia, quelques festivaliers proposent de redescendre vers l’auberge de jeunesse à pied. Je saute sur l’occasion, tout comme Bettina, une Belge d’origine turque avec qui je partage ma chambre. Les organisateurs nous préviennent: « ça va vous prendre 3h! » On s’en fout, on fonce. La majorité des participants, paresseux, déclinent l’invitation et redescendent en minibus. Pendant la promenade, on se perd plusieurs fois, on s’écorche allègrement les bras et les mollets, on glisse dans la boue mais au moins, on voit du pays! Partout autour de nous, ce ne sont que des montagnes vertes à perte de vue. On se croirait en Chine! L’expédition nous permet également de découvrir la culture locale. Figurez-vous que dans la région de la mer noire, les femmes travaillent pendant que les hommes sont assis au café! Elles récoltent le thé, portent de lourdes charges sur le dos, parfois avec leur bébé dans les bras. Leurs cheveux sont recouverts d’un foulard (mais ils est noué sur le haut de leur tête). Autre observation étrange: les gens ont le nez crochu. Şafak rit en précisant que c’est une particularité des habitants de la région. « Puis ils sont aussi connus pour avoir le sang chaud. Faut pas énerver les Karadenizli » dit-il, « parce qu’ils sont nombreux à porter une arme… »
Ce soir là, éreintée mais heureuse de ma journée enfin productive, je rejoins les autres sur les rochers en bordure de mer. Ils sont en train de machouiller des çekirdek = graines de tournesol, en buvant des bières. Demain matin, on reprend le chemin du retour pour Istanbul où m’attendent encore bien d’autres aventures…
Cette anecdote date du mois de septembre 2009 mais a été écrite le 16 mai 2012.
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Que de bonnes anecdotes racontées avec beaucoup d’humour !
Et merci pour la leçon des toilettes turques 😉
Ben Articles récents..Anecdotes – Angleterre
Ha ha, merci et … de rien! 😉
Agréable à lire !!!
Je ne peux pas résister :
Saviez vous que ce sont les belges qui ont inventés les toilettes turques ?
Mais les turques ont rajouté le trou ….
Désolé., commentaire à supprimer 😉
Ça fait toujours plaisirs de lire tes aventures 😉
Ave@voyage Articles récents..Covoiturage
Merci!
excellent article. merci beaucoup