Cela fait maintenant quelques semaines que je vis avec mes deux colocs adorées dans notre appart parfait à Cihangir et je dois dire qu’on a trouvé notre routine: chaque matin, Flora me réveille avec un air de jazz joué au piano. Lorsque je me lève, l’air est déjà emprunt de délicieuses effluves de café que Manolya est en train de préparer à la cuisine. On prend alors notre petit-déjeuner ensemble sur notre mini-balcon avec vue sur la tour de Galata.
On pourrait presque croire, comme ça, que notre vie est un long fleuve tranquille. Mais ça, ce serait sans compter le fait qu’être yabanci= étrangères à Istanbul, ce n’est pas de tout repos.
D’abord parce que le surveillant du parking d’en bas, ravi de découvrir que trois blondes ont investi le 3e étage de l’appartement d’en face, sirote désormais son thé affalé sur une chaise, les jambes écartées et la tête en l’air. Il nous observe sans gêne comme s’il était au cinéma. Pour mettre fin à son manège, Flora est allée se plaindre chez le patron, un monsieur d’une soixantaine d’années, qui s’est confondu en excuses et a incendié son employé. Depuis, le voyeur a rangé sa chaise et baisse les yeux quand il nous croise.
Ensuite parce que quand Flora et moi nous nous baladons ensemble, on nous demande sans arrêt si on est Russes. Or, tout Stambouliote sait ce qui se cache derrière cette interrogation: ils veulent savoir si on est des prostituées…
Bien sûr, ce genre de réflexion ne vient jamais de la part des Turcs qui ont une certaine éducation. Ceux qui ont étudié à l’université ou voyagé à travers le monde font évidemment la différence entre une femme de joie et une jeune fille de bonne famille.
Non, cette insulte sort plutôt de la bouche de certains serveurs et chauffeurs de taxis. Pour ceux-là, une étrangère, blonde, qui parle une langue qu’ils ne comprennent pas, est forcément une ‘Natasha’.
‘Natasha’, c’est le nom qu’ils donnent aux prostituées car ici, elles sont majoritairement originaires d’Europe de l’Est. Elles ont souvent quitté leur pays pour échapper à la pauvreté. Elles sont arrivées via un(e) compatriote qui leur a promis un job bien payé comme baby-sitter ou serveuse en Turquie. Or, à peine le pied posé sur le sol turc, elles sont violées par un complice, dépouillées de leur passeport et forcées de se prostituer.*
Quand j’explique cela, on me répond souvent qu’il existe également une autre réalité: celle de ces jeunes femmes russes, ukrainiennes ou moldaves qui monnayent leurs charmes de leur plein gré le temps des vacances dans les hôtels d’Antalya. Ou encore celles qui débarquent dans l’unique but de se trouver un mari riche…
Dans tous les cas, ça ne fait pas plaisir d’être assimilée à une Russe. C’est fatiguant aussi car on a beau nier, certains n’en démordent pas. Comme ce serveur qui nous avait posé la question et à qui, j’avais répliqué un très ferme: « Je suis Belge et Flora est Hollandaise. » Il s’était alors exclamé, les yeux pétillants: « Ah vous parlez russe alors! »
Parfois, l’interlocuteur ne nous prend pas pour des prostituées mais induit que comme on n’est pas Turques et musulmanes, on a immanquablement les moeurs légères. On n’a donc pas droit au respect qu’ils garantissent aux femmes de leurs pays. Ainsi, un chauffeur de taxi à qui je venais d’indiquer ma destination m’a un jour répondu: « OK baby! », un autre a insisté pour obtenir mon numéro de téléphone mais la palme revient à celui qui a osé me demander « vous vous lavez après avoir fait l’amour avec votre amoureux? »
Pour éviter ce genre de discussion indécente, chacune à développé sa propre technique. La mienne? En entrant dans un taxi, je troque mon sourire contre un visage fermé. Lorsque j’indique la direction au chauffeur, je suis polie mais laconique. Après, selon la façon dont il me répond, je vois si j’ai affaire à un homme éduqué ou non. Souvent, j’ai de la chance et je peux alors revenir au naturel.
Et là a enfin lieu un vrai échange culturel: on compare nos modes de vie, nos convictions politiques et le voyage se termine tout en convenances avec des « çok memnun oldum : très heureux d’avoir fait votre connaissance » et autres « kolay gelsin = que tout aille bien pour vous ». Je retrouve alors la gentillesse et la politesse turque que j’aime tant. Dieu, que ça fait du bien!
* A lire: ‘De retour de l’enfer turc’, propos recueillis par Samuel Grumiau pour Amnesty International.
Cette anecdote s’est déroulée en octobre 2009 mais a été écrite en juin 2012.
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Ah ah, c’est tellement ca! Cela me rappelle quand un chauffeur de taxi a une fois dit a mon mari alors qu’on venait de monter: « alors on prends du bon temps ce soir avec la Natasha?! » Il lui a repondu sechement » « c’est de ma femme que vous parlez », Le type etait super gene et n’a plus dit un mot du trajet.
Quelle horreur! Moi j’ai aussi eu le coup dans un hôtel à Ankara. Le réceptionniste ne parlait qu’à mon amoureux et n’avait pas demandé à voir mon passeport. Quand on a compris qu’il pensait que j’étais une prostituée, on lui a mis mon passeport sous le nez. Il a alors vu que j’étais Belge et là, tout à coup, il s’est adressé à moi avec un ‘Melody hanim ». Avant ça, je n’avais eu droit à aucun regard, ni aucune parole!
bonjour Melody,
eh bien, il faut faire attention partout maintenant, oui, heureusement il y a encore beaucoup de gens polis et respectueux,
bien à vous
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Témoignage intéressant.
En Asie, les blanches sont assimilé à des filles faciles, ou les blancs sont assimilés à des gens qui ont de l’argent. C’est souvent une image mais c’est la dur réalité des choses!
Tanned@tourdumonde Articles récents..Chiffres et donnée tour du monde 2009