Lider est venu me chercher, moi et ma grosse valise, tout en haut de l’île de Heybeli. Je vois bien, à sa mine mi-figue, mi-raisin, qu’il a du se faire violence pour sonner à ma porte comme un Prince à cheval (et en calèche), mais il l’a fait et j’en suis reconnaissante.
Sur la calèche, dans le bateau et dans le taxi, on se tient la main, on la serre parfois un peu fort, on s’observe, avec un sourire un peu gêné. Au lieu de rentrer de suite a Moda, Lider propose de détendre l’atmosphère en mangeant un bout en terrasse dans un resto italien, près de l’avenue Bağdat.
On parle. Beaucoup.
La dans ce restaurant, on comprend. On a eu peur de se perdre.
Je me rends compte que Lider et moi, on se reflète l’un dans l’autre, comme dans un miroir. Ce qui m’énerve chez lui, c’est un problème que j’ai en moi. Et vice versa.
Sur d’autres aspects, on est carrément antagonistes. Ça peut pousser à l’admiration comme à l’exaspération.
Vivre ensemble, lui et moi, c’est être obligé de regarder ce qu’on n’a pas envie de voir. C’est du développement personnel tous azimuts.
Et parce qu’il ne sait pas encore tout, je lui parle de ma transformation depuis mon arrivée à Istanbul. D’abord j’ai appris à pleurer. Il est surpris: lui qui a horreur de voir une femme en larmes, a du mal à comprendre en quoi c’est une bonne chose. Alors je lui raconte: bien que très sensible quand j’étais enfant, j’avais depuis l’adolescence cette impression d’avoir un coeur de pierre comme si rien ne m’atteignait vraiment. Je ne tombais jamais amoureuse, à l’inverse de mes amies, je ne m’extasiait jamais sur rien mais le décalage avec les autres ne s’arrêtait pas là. C’était flagrant lors d’évènements graves, comme la nouvelle d’un attentat ou la mort d’un proche. Quand les autres exprimaient de la compassion, de la tristesse, de la colère ou s’insurgeaient… moi je ne ressentais rien. Impassible, j’étais incapable d’empathie. Pire: j’avais l’impression que les autres exagéraient…
Istanbul avec l’aide de mes ami(e)s Farah, Mano, Sophie, mon ami Dario et enfin Lider ont chacun à leur façon ouvert une facette de moi-même qui était endormie jusque-là. Istanbul m’a appris à vivre au jour le jour, en pleine conscience. Les paysages et atmosphères qui varient d’un quartier à l’autre, les parfums du simit, du maïs grillé, l’odeur âcre des poubelles de rue, les embruns du Bosphore, le brouhaha des claxons des taxis et des bateaux, les cris des des goélands et des vendeurs de rue… m’ont ouvert les sens comme un harakiri impromptu mais nécessaire.
Farah m’a apprise à me laisser vivre et à serrer mes proches dans mes bras.
Mano m’a enseignée l’art de distinguer la beauté dans des détails qui auparavant m’apparaissaient insignifiants.
Sophie m’a distillée sa sagesse au compte-goutte pour pouvoir rester centrée autant que possible, même au milieu d’une folle métropole.
Dario m’a délaissée de ce que j’appelle mon côté Belge, mon côté »restons discrets, ne faisons pas de vagues », il m’a montré qu’on pouvait être libre et qu’il n’y avait finalement pas de honte à cela.
Lider, quant à lui, est arrivé au moment ou mon coeur était suffisamment ouvert pour aimer. Il m’a appris à voir la vie en multicolore et avec lui je continue à me débarrasser de tout ce que je traînais sans le savoir.
Je sens que notre relation ne sera pas un long fleuve tranquille mais quelque chose en moi me dit que cela vaut la peine de le vivre.
»Kısmet* » ma kardeş** », comme dit Mano, »Kısmet ».
*kısmet: destin en turc
** kardeş: frère (kız kardeş: soeur) en turc
Cette anecdote à été vécue en juillet 2010 mais a été écrite en juillet 2019.
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