Le 11 septembre 2001, Kuşadası, Ouest de la Turquie
Je sirote un thé noir dans un snack à Kuşadası, une sympathique station balnéaire en Turquie. J’ai débarqué la veille avec un groupe d’amis. On a 19 ans, on vient de terminer les examens et l’objectif de ces deux semaines de vacances, c’est de faire la fête. Soudain, un serveur s’adresse à un autre sur un ton alarmé.
Un monsieur, sourire jusqu’aux oreilles, yeux bleus pétillants et tignasse poivre et sel, dévale les escaliers et les remonte quatre à quatre avec ma valise. C’est Ahmet, le papa de Berrak. Il me gratifie d’une chaleureuse poignée de main, m’offre une paire de ‘terlik = pantoufles’ et m’invite à dans la cuisine. La table est garnie de sigara börek, beyaz peynir et autres mets de bienvenue que Birsen, la maman, s’est attelée à préparer.
Grand, mince, les cheveux noirs avec une raie sur le côté, le bien-aimé de Berrak a un air de gendre parfait. Ahmet et Birsen l’aiment bien. C’est un garçon courageux et bosseur. Diplômé d’une école américaine de multimédia, il s’évertue cependant dans le commerce de téléviseurs à écran plasma (dont les prix sont affichés en euros). C’est alimentaire. Romantique aussi. S’il se tue dans un boulot qu’il n’aime pas, c’est pour être aux côtés de Berrak. Doğan est tombé instantanément amoureux de mon amie, un jour pluvieux du mois d’avril … en Belgique.
Premiers jours sur place, je révise mon turc. J’en épate plus d’un quand je me présente en quelques phrases mais entre nous, passée cette introduction, je suis plutôt larguée. Je suis prise de panique quand Berrak demande l’addition ‘hesap alabilir miyim ?’ HEIN quoi qu’est-ce que tu as dit là ? Horreur ! Qu’est-ce que c’est que ce long mot imprononçable ? Je hachure, l’âme en peine, le visiblement inutilisé ‘hesap lütfen = l’addition s’il-vous-plaît ?’, de ma liste de vocabulaire quand mon gsm sonne.
Premier week-end et déjà une sortie de prévue : la pendaison de crémaillère de Farah et Özgür. Je vais revoir mon vieux camarade de classe (10 ans qu’on ne s’est pas vu) et rencontrer l’hilarante Farah en chair et en os. Je me rends chez eux en taxi. J’ai l’adresse exacte mais ça ne me sert à rien. A Istanbul, personne ne connaît le nom des rues, même pas les chauffeurs de taxi. Le peuple s’oriente à l’aide de repères (la deuxième à droite après le Burger King, la maison à côté de l’agent immobilier, tu situes ?).
Une après-midi, Berrak et moi embarquons pour une visite guidée organisée par l’Institut français d’Istanbul. Nous sommes venues pour découvrir, avec grand intérêt la commune d’Arnavutköy, paraît-il, en pleine expansion. En réalité, cette division territoriale est envahie par les ‘Toki’, espèces d’HLM épouvantables qui gâchent le paysage. En fait, les politiques (en pleines élections communales) font construire ces cages à poules pour une bouchée de pain et y entassent les plus démunis, ravis d’être logés dans des bâtiments décents.
‘Ibrahim bey’ = Monsieur Ibrahim’ est mon professeur de turc. Il a les cheveux noirs de jais, de grands yeux, le teint mat. Tantôt en costume, tantôt en veste kaki trendy, mon professeur, la quarantaine, a la classe. Il entre en classe d’un pas enjoué, nous enseigne la grammaire avec le sourire et repart toujours jovial vers sa femme et ses enfants qui l’attendent pour dîner près d’Edirne, à deux heures d’Istanbul.
Je me fais une raison : une colocation propre à Istanbul, ça n’existe pas. Je suis sur le point de prendre la chambre chez la mère célibataire quand je tombe sur une nouvelle annonce pour un appartement à partager avec une Turque, un Kurde et une Italienne à CUKURCUMA, le quartier des antiquaires. Je fonce ! Il est 22h, je m’en fous, j’appelle.
Ma première impression était la bonne : Necla est folle. Mais gentille. Elle est aussi bordélique. Et manipulatrice. Elle avoue d’ailleurs en pouffant de rire: «j’ai dit que j’étais une maniaque de la propreté pour que tu prennes l’appart’». Une saloperie en somme. En turc, et puisqu’elle est prof de français, c’est elle qui me fait la traduction, ça se dit: ‘üç kağitçi’.
Serfiraz est un colocataire très discret. Je sais qu’il a 21 ans et qu’il est Kurde originaire de Van, à l’est de la Turquie. Il est étudiant en informatique et très studieux. Tous les jours, il révise pour ses examens. Sauf un soir, quelques jours après mon arrivée, où il s’agite devant la télé. C’est le décompte des votes des élections communales et mon coloc’ attend fiévreusement les résultats du DTP, le parti pro-kurde. Au cours de la visite guidée d’Arnavutköy, Berrak et moi avions rendu visite au bureau local du DTP pour connaître leur programme. Nous en étions ressorties choquées : le responsable avait avoué, à demi-mot, que son parti soutenait les terroristes du PKK. Je garde donc un œil méfiant sur ce jeune étudiant si brillant, doué en math et en chimie, qui partage le même toit que moi. D’autant plus que Serfiraz a un air de ceux qui, à force de se réprimer, finissent un jour par exploser.
Le garçon a été élevé dans un village ultra-conservateur, dans une famille ultra-traditionnelle. Sortir avec son professeur de français, de 20 ans son ainée et vivre en couple ave elle sans être marié est en complète contradiction avec les valeurs qui lui ont été inculquées. Résultat : Serfiraz est en conflit avec lui-même. Il aime Necla mais se lave de la tête aux pieds après l’amour. Il vit avec elle mais ment à ses parents qui le croient sagement dans un foyer avec d’autres étudiants de son université. Necla, elle, est toujours sur son petit nuage. Elle raconte à tout le monde que cet été, elle part en vacances à Van avec Kado et qu’il va la présenter sa famille. Son plan : se faire passer pour une jeune de 30 ans. « Je pourrais les faire, non ? » demande-t-elle en regardant son reflet dans le miroir.
Un soir, son amoureux revient avec une mauvaise nouvelle : sa famille lui a rendu une visite surprise au foyer et ses camarades de classe ont vendu la mèche…
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