Premier week-end et déjà une sortie de prévue : la pendaison de crémaillère de Farah et Özgür. Je vais revoir mon vieux camarade de classe (10 ans qu’on ne s’est pas vu) et rencontrer l’hilarante Farah en chair et en os. Je me rends chez eux en taxi. J’ai l’adresse exacte mais ça ne me sert à rien. A Istanbul, personne ne connaît le nom des rues, même pas les chauffeurs de taxi. Le peuple s’oriente à l’aide de repères (la deuxième à droite après le Burger King, la maison à côté de l’agent immobilier, tu situes ?).
Bon d’accord je n’ai pas vu la mosquée de Soliman le magnifique ni le grand bazar. Mais je connais une ribambelle de quartiers que les touristes ne verront jamais. A côté de Tarabya, en haut du Bosphore, il y a Sariyer. Les Turcs aiment se balader sur sa digue en béton pour y admirer les vétustes Yalı,ces villas en bois habitées jadis par les plus riches ou qui abritaient des consulats. Un peu plus loin se dessine Yeniköy, très mignonne bourgade truffée de restaurants de poissons et de maisons plus petites, typiques, en bois également.
Une après-midi, Berrak et moi embarquons pour une visite guidée organisée par l’Institut français d’Istanbul. Nous sommes venues pour découvrir, avec grand intérêt la commune d’Arnavutköy, paraît-il, en pleine expansion. En réalité, cette division territoriale est envahie par les ‘Toki’, espèces d’HLM épouvantables qui gâchent le paysage. En fait, les politiques (en pleines élections communales) font construire ces cages à poules pour une bouchée de pain et y entassent les plus démunis, ravis d’être logés dans des bâtiments décents.
Suivant les conseils de Florent, rencontré la veille, je me rends donc sur le précieux www.craiglist.com. Je clique Turkey>housing>rooms shared. Effectivement, le site pullule d’annonces pour des chambres! Etudiants ou travailleurs cherchant à partager un loyer, il y a tout ce que je cherche. Quant au quartier, voyons voir : Beşiktas, bof, Nişantası nan, Sariyer trop loin, Taksim ouais, Galata ha ha ! oui.
Me voilà embarquée, à la tombée de la nuit, dans des ruelles truffées de bouquinistes. Au sommet des montagnes de livres poussiéreux, des chats somnolent. Parmi une pile, entre un roman allemand et un conte turc, Ibrahim finit par trouver la perle rare: un dictionnaire bilingue turc-français à 3 lires seulement. En sortant de chez le libraire, il me demande si je suis tentée de flâner dans d’autres quartiers. Je le suis. Je ne sais pas encore qu’il m’embarque carrément pour un vrai citytrip à Istanbul!
Je me fais une raison : une colocation propre à Istanbul, ça n’existe pas. Je suis sur le point de prendre la chambre chez la mère célibataire quand je tombe sur une nouvelle annonce pour un appartement à partager avec une Turque, un Kurde et une Italienne à CUKURCUMA, le quartier des antiquaires. Je fonce ! Il est 22h, je m’en fous, j’appelle.
Ma première impression était la bonne : Necla est folle. Mais gentille. Elle est aussi bordélique. Et manipulatrice. Elle avoue d’ailleurs en pouffant de rire: «j’ai dit que j’étais une maniaque de la propreté pour que tu prennes l’appart’». Une saloperie en somme. En turc, et puisqu’elle est prof de français, c’est elle qui me fait la traduction, ça se dit: ‘üç kağitçi’.
Cela fait maintenant un mois et une semaine que j’ai déposé mes valises à Istanbul. J’ai passé 3 semaines chez Berrak à Tarabya et deux semaines à Cukurcuma avec mes colocs bizarres. J’ai terminé avec succès le niveau 3 au cours de turc. Cela ne m’a pas laissé une seconde pour feuilleter le Guide du Routard. J’ai bien visité l’Aya Sophia et la mosquée bleue, seule lors d’une journée ensoleillée mais mes pérégrinations touristiques s’arrêtent là. J’en suis à ce stade quand ma collègue et copine Julie m’annonce qu’elle vient passer quelques jours de vacances à Istanbul pour découvrir la ville à travers
les yeux d’une ‘locale’.
Julie et moi travaillions à l’agence de presse Belga. C’est une bonne vivante avec qui j’ai l’habitude de bavarder bio, boulot et grands projets de vie. Elle est venue avec Valérie, une autre nana peps et souriante. C’est à leur arrivée que l’aventure a vraiment commencé. Ensemble nous allons nous perdre dans le quartier de Galata, truffé de boutiques de stylistes, déguster du poisson grillé fraîchement pêché sur la Corne d’Or, flâner au marché aux épices à Eminönü, faire une mini-croisière sur le Bosphore, partir en mer de Marmara visiter l’île de Büyükada, y faire un tour en calèche, nous endormir sur le bateau sur le chemin du retour et faire les folles dans les bars de Beyoğlu. Nous rencontrerons également un drôle d’énergumène, se baladant avec un panneau ‘hug me = enlacez-moi’ devant l’Aya Sophia. Un Italien au cœur brisé par une jolie Turque qui cherche, avec humour, un peu de
réconfort. Il s’appelle Dario. Lui et moi allons devenir comme cul et chemise.
Peu de temps avant mon départ, j’ai découvert www.couchsurfing.com, un site génialissime dédié aux voyageurs. Le principe ? Vous partez en voyage et vous avez envie de découvrir la ville à travers les yeux d’un local ? De généreux habitants vous font visiter gratuitement mais en prime, proposent également leur ‘couch = sofa’ pour la nuit. A mon arrivée à Istanbul, j’ai donc ‘couchsurfé’ un max (sans profiter du couch) pour faire connaissance avec la mégapole mais surtout avec ses citoyens.
C’est ainsi que j’ai rencontré Kaan, un architecte paysagiste qui ne fréquente que la haute société. Il m’a emmenée diner dans un restaurant avec une vue 360° sur tout Istanbul. J’ai fait la connaissance d’Erdem qui m’a fait découvrir Zencefil où l’on mange végétarien et bio. J’ai croisé Duygu, une fille méga enthousiaste avec qui j’ai dansé une nuit entière au Litera, un resto à l’étage avec vue sur le Palais de Topkapı. Et puis je me suis essayée au Backgammon avec Can à qui je n’avais rien à dire.
J’ai revu Florent, le Belge rencontré dans le dolmuş et on a passé une nuit à chanter des chansons en flamand après un barbecue arrosé de rakı sur le toit d’un appart à Galata. En cherchant une brique de lait de soja au supermarché, je suis tombée sur Jayda, une herboriste et aromathérapeute dont le magasin est à deux pas de l’appart.
A l’école, j’ai étudié en compagnie d’Arifan, Indonésien, de Ahmed, Somalien, de Recail, Macédonien, de Melike et Kataryna, Ukrainiennes et de deux Japonaises comiques dont j’ai oublié le nom. Dans les couloirs, entre deux cours, j’ai sympathisé avec Mohamed, Syrien et un drôle de Kossovar supporter fanatique de l’équipe de Galatasaray.
Dans un bar branché de Tünel, avec Julie et Valérie, on a fait la connaissance du serviable Serkan, employé d’une boîte de pub qui m’a ensuite présenté Kerem, motard chez BMW. Au même endroit, j’ai fait la connaissance du sympathique Tuncay, ingénieur mécanicien. Impossible de citer toutes les rencontres faites jusque là, il y en a à la pelle. Et tout cela, en seulement deux mois.
Vu l’ambiance à la maison, Manolya et moi préférons sortir le soir et bavarder dans un café. Bonne nouvelle, notre quartier pullule de restos et de bars branchés. Une après-midi, ma coloc’ me fait découvrir celui qu’elle préfère. Il est un peu décentré, en bas d’une rue, sur un coin: le Susam café. Un endroit complètement rétro, avec des chaises, fauteuils et tables dépareillées et plein de bric à brac déniché chez les brocanteurs de Cukurcuma. On s’y sent comme chez soi en mieux: parce que la musique est bonne et le service excellent. Cela deviendra notre QG.
Nous prenons carrément des habitudes. Plusieurs fois par semaine, nous allons nous y asseoir, chacune avec notre ordinateur, pour travailler. On bosse, on fait une pause papote, puis on ondule du popotin sur nos chaises (la musique est vraiment vraiment bien). Re-concentration, re-break etcetera.
En début de mois, on se lâche au niveau des consommations: Efes Dark pour Mano, Caffe Latte pour moi. Mais passé le 25 du mois, on passe au moins cher sur la carte: c’est thé ou eau plate. Et on essaye de ne pas boire trop vite pour faire durer le plaisir. Un jour, fauchées comme les blés, on se rend compte qu’on vient de monopoliser la meilleure table du Susam pendant 3 heures avec deux ridicules petits thés. Honteuses, on paye la note et on quitte notre QG. Mais le serveur nous arrête: « Alors vous partez déjà? » On lui avoue qu’on est gênées d’accaparer leurs beaux fauteuils alors qu’on n’a pas les moyens de consommer de ‘vrais boissons’. Et là il nous étonne: « Que vous consommiez 5 verres de whisky ou 1 verre d’eau, cela ne fait aucune différence. Vous êtes des clientes comme les autres. » Ma coloc et moi échangeons un regard, et nous tournons vers ce charmant employé pour connaître son prénom: « Metin ». Il deviendra notre serveur préféré.
Nous continuerons à osciller entre les jours fastes (fondant au chocolat, steak grillé…) et périodes creuses (eau plate, thé ou soyons fous, eau gazeuse!) mais seront toujours accueillies comme des princesses par Metin mais aussi Yusuf, Ali et Adnan. Bientôt tout le personnel connaîtra nos prénoms. La vie est belle. Nous sommes les reines du Susam Café.
Susam Café
Susam sokak n°11
Cihangir, Beyoglu, Istanbul
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