Bon d’accord je n’ai pas vu la mosquée de Soliman le magnifique ni le grand bazar. Mais je connais une ribambelle de quartiers que les touristes ne verront jamais. A côté de Tarabya, en haut du Bosphore, il y a Sariyer. Les Turcs aiment se balader sur sa digue en béton pour y admirer les vétustes Yalı,ces villas en bois habitées jadis par les plus riches ou qui abritaient des consulats. Un peu plus loin se dessine Yeniköy, très mignonne bourgade truffée de restaurants de poissons et de maisons plus petites, typiques, en bois également.
Une après-midi, Berrak et moi embarquons pour une visite guidée organisée par l’Institut français d’Istanbul. Nous sommes venues pour découvrir, avec grand intérêt la commune d’Arnavutköy, paraît-il, en pleine expansion. En réalité, cette division territoriale est envahie par les ‘Toki’, espèces d’HLM épouvantables qui gâchent le paysage. En fait, les politiques (en pleines élections communales) font construire ces cages à poules pour une bouchée de pain et y entassent les plus démunis, ravis d’être logés dans des bâtiments décents.
Suivant les conseils de Florent, rencontré la veille, je me rends donc sur le précieux www.craiglist.com. Je clique Turkey>housing>rooms shared. Effectivement, le site pullule d’annonces pour des chambres! Etudiants ou travailleurs cherchant à partager un loyer, il y a tout ce que je cherche. Quant au quartier, voyons voir : Beşiktas, bof, Nişantası nan, Sariyer trop loin, Taksim ouais, Galata ha ha ! oui.
‘Ibrahim bey’ = Monsieur Ibrahim’ est mon professeur de turc. Il a les cheveux noirs de jais, de grands yeux, le teint mat. Tantôt en costume, tantôt en veste kaki trendy, mon professeur, la quarantaine, a la classe. Il entre en classe d’un pas enjoué, nous enseigne la grammaire avec le sourire et repart toujours jovial vers sa femme et ses enfants qui l’attendent pour dîner près d’Edirne, à deux heures d’Istanbul.
Me voilà embarquée, à la tombée de la nuit, dans des ruelles truffées de bouquinistes. Au sommet des montagnes de livres poussiéreux, des chats somnolent. Parmi une pile, entre un roman allemand et un conte turc, Ibrahim finit par trouver la perle rare: un dictionnaire bilingue turc-français à 3 lires seulement. En sortant de chez le libraire, il me demande si je suis tentée de flâner dans d’autres quartiers. Je le suis. Je ne sais pas encore qu’il m’embarque carrément pour un vrai citytrip à Istanbul!
Je me fais une raison : une colocation propre à Istanbul, ça n’existe pas. Je suis sur le point de prendre la chambre chez la mère célibataire quand je tombe sur une nouvelle annonce pour un appartement à partager avec une Turque, un Kurde et une Italienne à CUKURCUMA, le quartier des antiquaires. Je fonce ! Il est 22h, je m’en fous, j’appelle.
Jour J, je quitte Tarabya ! Berrak, la larme à l’œil sur le perron, m’aide à embarquer ma valise dans un taxi. Direction Cukurcuma ! Ca va être bien : une chambre nickel à 3 minutes à pied de l’école, je n’en reviens pas. Ceci dit, lorsque j’arrive, non plus. Il y a comme un problème : la chambre est un bordel intégral et … sale.
Ma première impression était la bonne : Necla est folle. Mais gentille. Elle est aussi bordélique. Et manipulatrice. Elle avoue d’ailleurs en pouffant de rire: «j’ai dit que j’étais une maniaque de la propreté pour que tu prennes l’appart’». Une saloperie en somme. En turc, et puisqu’elle est prof de français, c’est elle qui me fait la traduction, ça se dit: ‘üç kağitçi’.
Ma vie en colocation à Cukurcuma est un feuilleton à la Santa-Barbara. Tous les matins, je me lève dans mon lit avec mes draps roses, dans ma jolie petite chambre avec vue sur un jardin. En face de la mienne, il y a celle de Giovanna, 24 ans, qui suit des cours de turc dans la même école que moi. Ensemble, on papote vie amoureuse. Moi, je sors avec un Sicilien tourmenté en Belgique qui ne me donne pas de nouvelles. Elle, a largué son petit-ami italien pour un Turc parti étudier un an … en Italie !
Serfiraz est un colocataire très discret. Je sais qu’il a 21 ans et qu’il est Kurde originaire de Van, à l’est de la Turquie. Il est étudiant en informatique et très studieux. Tous les jours, il révise pour ses examens. Sauf un soir, quelques jours après mon arrivée, où il s’agite devant la télé. C’est le décompte des votes des élections communales et mon coloc’ attend fiévreusement les résultats du DTP, le parti pro-kurde. Au cours de la visite guidée d’Arnavutköy, Berrak et moi avions rendu visite au bureau local du DTP pour connaître leur programme. Nous en étions ressorties choquées : le responsable avait avoué, à demi-mot, que son parti soutenait les terroristes du PKK. Je garde donc un œil méfiant sur ce jeune étudiant si brillant, doué en math et en chimie, qui partage le même toit que moi. D’autant plus que Serfiraz a un air de ceux qui, à force de se réprimer, finissent un jour par exploser.
Le garçon a été élevé dans un village ultra-conservateur, dans une famille ultra-traditionnelle. Sortir avec son professeur de français, de 20 ans son ainée et vivre en couple ave elle sans être marié est en complète contradiction avec les valeurs qui lui ont été inculquées. Résultat : Serfiraz est en conflit avec lui-même. Il aime Necla mais se lave de la tête aux pieds après l’amour. Il vit avec elle mais ment à ses parents qui le croient sagement dans un foyer avec d’autres étudiants de son université. Necla, elle, est toujours sur son petit nuage. Elle raconte à tout le monde que cet été, elle part en vacances à Van avec Kado et qu’il va la présenter sa famille. Son plan : se faire passer pour une jeune de 30 ans. « Je pourrais les faire, non ? » demande-t-elle en regardant son reflet dans le miroir.
Un soir, son amoureux revient avec une mauvaise nouvelle : sa famille lui a rendu une visite surprise au foyer et ses camarades de classe ont vendu la mèche…
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